lundi 31 octobre 2011

On est sérieux quand on a dix-sept ans


        Yvon Le Men, On est sérieux quand on a dix-sept ans.

Déjà je pressentais
Qu'un jour, à cause de toi,

La joie pouvait venir
D'un seul brin d'herbe

Même de moins.

       Guillevic, in Trouées (cité par Yvon Le Men)

       7 avril 2011


dimanche 30 octobre 2011

Le lait noir du temps


Chaque jour exprimer le lait du temps
traire le temps
le lait noir du temps


29/03

J'entreprends de mettre en ligne quelques passages de mon carnet Mondrian, qui va bientôt s'achever. Avec le recul de quelques mois, cela me permet de revenir sur ce qui déjà s'enrobe d'oubli. A juste titre souvent, mais, ici ou là, une phrase, une citation, une image raniment des étincelles de sens.

Le bonheur d'être ici, de Michael Edwards.

"L'infini est à chercher non pas au-delà, mais à l'intérieur du fini."(p.20)

Et même page, cette phrase, consonante avec ce que j'écrivais dans la chronique du Nomade #80.

"Toutes choses dans le temps écoutent, concertent et composent. Les rencontres des forces physiques et le jeu des volontés humaines coopèrent dans la confection de la mosaïque Instant."

5/04



samedi 29 octobre 2011

La nuit tachée de bronze


le recueil des empêchements

quelques pierres usées contre le jusant

vannes - en vain ouvertes ?
spasmes des étangs alourdis de brumes

le regret d'un foulque
piétineur d'ombre

trouver encore le chemin de la cave
tourner la chantepleure
s'en aller dans le vent des reproches

caresser la tête
secouée par la peur

pieuvre ramifiée des heures
sacrifiée par les flux
abouchée au néant

trace nette dans l'opium des matins
coup de couteau cerclant le silence

arrière-cuisine des mémoires
fils à nu

mosaïques sous les pieds nus
rendez-vous oubliés
dans l'ogive verte des étés

ça cogne un peu fort
dans la courbe des veines

la pluie nous réunit
dans l'enclos des douleurs

la nuit tachée de bronze
dans l'étourdissement des rumeurs
se resserre se resserre
nuage comprimé
dans l'exacte circonférence
d'une pupille

un marteau de soie
n'en saurait
exprimer la quiétude

28 mars 2011



vendredi 28 octobre 2011

Alluvions sans âge

"La drague avance lentement dans le fil du fleuve, lourde et têtue, elle débarrasse, racle, aspire, décrasse le lit du fleuve de toute la merde qui s'y est déposée, qui s'y dépose jour après jour ; dérocte le chenal, saluée alors merveilleuse tâcheronne nécessaire bonniche, son énorme fraise à trois têtes - trois fois l'envergure et la puissance du plus bel outil de forage pétrolier en eau très profonde, tout de même - fouraillant la roche pour conserver un passage aux coques des majestueux navires, cargos d'aventure et pétroliers dernier cri. Les deux garçons marquent un recul devant les citernes où se déverse le fond du fleuve, vase noirâtre, pâte sédimentaire remontée des profondeurs, alluvions sans âge, aucun scintillement là-dedans, rien, ils se mettent pourtant à y guetter la tranche d'une épave, un morceau de tôle, un débris humain, un os de crâne peut-être, oui, un coffre ou un coffre receleur de pierreries diverses, un trésor ouais, ce serait génial. Ils s'excitent, rigolards, ne cherchent rien, pas même la fortune, l'avenir n'a pas de forme pour eux qui vivent au jour le jour, sans autre tension que celle de leur jeunesse, ils tendent les mains, paumes vastes et doigts habiles, toujours prompts à palper de quoi jouer, de quoi se faire un peu de thune, toujours partants pour la première connerie."

Extrait du très bon roman de Maylis de Kerangal, naissance d'un pont, verticales, 2010, p.102-103.




<h2> Naissance d'un pont</h2> <p> c'est le premier jour du pont . Le premier matin l'eau pour les noirs qui s'éclaire et les blancs qui fonce rapidement passion progressive de tous les Verts fluo émeraude HIV renaissent amende à Nice absente Turquoise Hollywood Chun grammes d'épinards et mal acquis anglais c'est la bientôt sur la rétine . Et puis Cannes de longues fluorescente si étalon surface dérive des bidons , des bouteilles OL essais Diderot a fait son tour du site principal . La plate-forme controversé qui est désormais son domaine surface de 25 kilomètres carrés Simon s'est étonné défricher ouverte sur le fleuve parano quais de l'Estrie et de rail qui relie atelier de construction d'entretien et de réparation baraquements des équipes , bureau d'études vestiaires de l'autre côté des déjà les hommes attendent parmi eux prioritaire des Indiens agrégé par nous , les visages fermés , embauché en guère pas sensible au vertige rompu au climat au parasite familier du terrain puisqu'ils sont là chez eux tous baraquements des ouvriers . Après avoir vidé leur sésame dans les horodateurs et une fois entré dans les vestiaires , prennent possession du casier métallique où ils suspendent leurs vêtements et saisissent leur casque obligatoire depuis la construction du Golden Gate Bridge San Francisco Californie au milieu des années les Indiens aussi se réunissent dans un coin de la salle , ils sont gris sous les néons blancs le coffre tatoué de feuillage des hommes en place jusqu'au 20 . Ils se parlent à voix basse et puis la Syrie . </p>