mardi 29 avril 2014

Issoudun : Le Che et la mitraillette sciée

Je n'ai pas tout dit. Reste un détail. Qui n'avait pas grand chose à voir avec mon sujet, c'est pourquoi je l'avais omis, mais avant de quitter peut-être provisoirement les parages de l'impasse Ah ! Ah ! je me sens en demeure de tout dire. Un détail, vous dis-je : par la fenêtre de la maison qui obstrue l'impasse, celle qui donne sur la rue François Habert, on voyait, je voyais clairement une affiche de Che Guevara.
On ne la voit pas sur la photo. Encore que. En zoomant fort, on devine.


Le Che. Depuis, je rêve de sonner à cette porte, et d'obtenir de l'occupant (un révolutionnaire, à n'en pas douter) de monter à cette fenêtre guevarienne, car la perspective sur la rue Beaumont et le flanc sud de la ville doit y être excellente.

Le Che. Alors que j'ai devant moi le troisième numéro du 1, ce nouvel hebdo qui se présente comme une seule feuille qu'on déplie et replie à son gré, sans agrafe ni publicité, articulée autour d'une seule question, éclairée par des contributions très différentes, et que ce numéro donc traite de ces jeunes qui veulent se faire voir ailleurs et
parmi les écrivains conviés voici Régis Debray, qui signe L'appel du sud et des sierras, un court texte où l'on peut lire :

"Le surmoi révolutionnaire, à gauche, s'est effondré, avec les Khmers rouges, le mur de Berlin, le Nouvel Obs, La République du centre et mille autres coups de pioche. Ce qui l'a remplacé chez les exigeants, pour qui "tout ce qui n'est pas l'idéal est misère", c'est le surmoi religieux. Après la révolution sur terre, le paradis au ciel. Après Guevara, Ben Laden. Après le chemin marxiste, celui d'Allah."
Bon, c'est dit. On peut entrer au musée maintenant. Musée Saint-Roch. Pourtant je vais faire court, même si j'ai vu des choses admirables, des Manessier, des Zadkine, des Appel flamboyants, entre autres, dans cette exposition organisée autour du peintre et lithographe Jean Pons, et de sa fille, Elisabeth qui s'est installée à Issoudun, y continuant son œuvre. L'envie de commenter, là, me manque. Allez y voir, et dépêchez-vous, c'est jusqu'au 4 mai.

Et si c'est trop tard, ce ne sera pas trop tard pour voir l'autre exposition, qui court, elle, jusqu'au 30 novembre, consacrée à Fred Deux, Le dessin à corps perdu.

Fred Deux, Terre incognita, 2008  
Encore une fois, le commentaire me décourage. Il faut entrer dans cette terre inconnue du dessin de Fred Deux, se laisser envahir par les formes étranges qui émanent de son travail inlassable à la table, travail de toute une vie. Travail si bien évoqué dans le dernier récit de Cécile Reims, sa femme, sa compagne de route depuis soixante-deux ans, Tout ça n'a pas d'importance, paru au Temps qu'il fait.
C'est aussi une méditation lucide et émouvante sur un parcours de vie sans concession, sur la vieillesse et ses difficultés, l'approche de la mort et du grand départ. Un retour aussi sur les lieux où le couple vécut, fuyant ou affrontant la maladie, Lacoux dans le Bugey, Le Couzat près de Crevant, La Châtre enfin, où j'eus la joie de les rencontrer.

Un détail encore. On peut voir au musée une sculpture de Fred Deux qui m'a toujours intriguée, titrée Résistance :


Son histoire, on la découvre dans le livre, page 118. A Lacoux, le couple avait lié amitié avec les plus pauvres du village, la famille d'un certain Griot :
"Lorsqu'un en un mois de mai se leva un vent de révolte, Griot arriva dans la nuit, un sac sur les épaules qu'il avait peine à porter : il en sortit des munitions, une mitraillette.
- Je les ai gardés depuis le maquis. Pour faire la révolution...
Mais le grand soir n'était pas arrivé. De la mitraillette sciée en morceaux, F. fit une sculpture, le reste fut enterré."
Voilà, un détail de plus, je le répète. Il me semble souvent que je ne peux avancer que comme ça, sur des détails, à interroger en profondeur. Ou en surface, je ne sais pas.


2 commentaires:

sylvie Durbec a dit…

C'est un de mes grands, Fred Deux. Comme un grand Ancêtre..;quelque chose comme ça et toi, tu l'as rencontré et Cécile Reims aussi...Je vais aller à Issoudun voir l'expo évidemment. Celle de Jean Pons, ce sera trop tard.
La famille qui possédait l'hôtel particulier où vivaient la grand mère et la tante de François s'appelait De Boissoudy et la rue: rue François Mounier...
Tissage imprévu là aussi. Entre le Che et Fred Deux, l'impasse Ahah et la famille de Boissoudy...

Patrick Bléron a dit…

Tissage, le mot est juste.
Tu sais sans doute que c'est grâce au tissage que Fred et Cécile ont survécu à Lacoux.Un métier que Fred avait acheté en pièces et qu'il remonta de ses mains.
Page 96 : "Pas un instant,nous n'imaginions alors que ce tas de bois devenu métier à tisser assurerait par la suite notre subsistance et bien au-delà même. Qu'à partir de l'ancêtre, F. en construirait deux autres, de manière à diversifier les chaînes et par là, les étoffes.
La méconnaissance du tissage à la main m'avait fait transgresser la méthode habituelle et inventer des enfilages de lisses, des croisements entre la chaîne et la trame dont le résultat était hors du commun. J'eus par la suite mes entrées dans les maisons de Haute-Couture dont personne ne se douta jamais que la maison "Tissages, Créations" dont j'étais la représentante ne consistait qu'en une seule et même personne."