dimanche 1 novembre 2015

Bronson et le Fils de l'homme, Nivet et 4G.

Regardé vendredi soir pour la première fois un film de Nicolas Winding Refn, cinéaste danois qui semble avoir passé un palier de notoriété à partir de son film Drive (que j'ai raté au moment de sa sortie). J'ai donc vu (sur la plateforme Mubi) une œuvre antérieure, sortie en 2009 : Bronson. Un film qui cogne fort, à l'image de son personnage principal, Michael Peterson, dit Charlie Bronson, inspiré de la personne du même nom, prisonnier réputé le plus violent d'Angleterre.
Ayant écopé dans sa jeunesse de sept ans de taule après un braquage de bureau de poste (qui lui avait rapporté £26.18), Peterson a vu sa peine prolongée plusieurs fois en raison de diverses prises d'otage, coups et blessures, révoltes sur les toits (prison de Broadmoor en 1983, causant 750 000 £ de dommages)... Aussi dangereux pour ses co-détenus que pour les gardiens, il a connu plus de 120 établissements pénitentiaires ainsi que trois hôpitaux spécialisés. Et il a vécu plus de 26 années en isolement complet. Libéré tout de même le 30 octobre 1988, il est à nouveau  arrêté pour vol 69 jours plus tard. Relâché derechef le 9 novembre 1992, il ne tient que 53 jours en liberté avant d'être arrêté de nouveau, cette fois pour complot de vol.
Le film reprend ces éléments mais le traitement est très éloigné d'un quelconque documentaire ou biopic traditionnel : Bronson se présente comme le narrateur de sa propre histoire devant un public de music-hall dont il manipule les émotions comme un histrion ricanant et pervers. La composition de Tom Hardy est en tout cas impressionnante.


Mais si je tiens tant à évoquer ce film, c'est parce qu'il évoque lui-même le peintre cité ici dernièrement, à savoir René Magritte. Bronson a en effet découvert l'art en prison, et il est même devenu un artiste reconnu ; Winding Refn brode sur ce thème avec l'épisode (réel) d'une prise d'otage de son prof d'arts plastiques. A partir de là, la scène est complètement inventée, on y voit Bronson, nu et enduit de cirage noir, transformer le prof en reproduction du célèbre tableau magrittien, Le Fils de l'homme.


Magritte, Le Fils de l'homme, 1964.



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Toussaint radieuse. Le cimetière Saint-Denis, que je peux contempler depuis mes fenêtres, est traversé d'une foule recueillie, chargée de chrysanthèmes. Comme l'an dernier, je suis allé jusqu'à la sépulture d'Ernest Nivet, admirant encore une fois la modestie et l'humilité du monument, contrastant si puissamment avec les lourdes chapelles funéraires de ceux qui se targuaient de quelque renom, et qui bien souvent ont sombré dans l'oubli et l'abandon le plus total. Pas de croix non plus, juste une statue de femme endolorie. Douleur intense mais en même temps retenue : bien qu'elle s'appuie contre le cadre, la femme reste debout, yeux ouverts.

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Premier dimanche du mois, c'était donc aussi la brocante des Marins. Qui m'est devenu un pèlerinage presque nécessaire. La vendange fut excellente, et dans ce paradis de l'ancien et du désuet, je trouvai le moyen de passer en 4 G, sauf que le "très haut débit mobile" était en provenance directe des réseaux du passé. Détaillons pour le geek égaré :
G comme Glossaire, le glossaire de termes techniques à l'usage des lecteurs de "la nuit des temps", la collection des éditions Zodiaque dédiée à l'art roman, éditions aujourd'hui disparues mais dont les volumes sont toujours prisés.
G comme Géographie de l'instant, de Sylvain Tesson, l'écrivain-voyageur, l'ermite du Baïkal, qui réunit ses bloc-notes parus dans le magazine Grands Reportages et divers journaux.
G comme Georges-Emmanuel Clancier, le grand écrivain centenaire, que j'ai déjà évoqué ici plusieurs fois, poète et romancier, auteur du Pain noir, et dont j'ai déniché La vie quotidienne en Limousin  au XIXe siècle.
Et enfin, au même vendeur, G comme Gaufrette, la Société Anonyme des Gaufrettes Rivoire § Jeandet, de Tarare dans le Rhône, une facture magnifique adressée à l'Union Coopérative de Saint Léonard de Noblat, en Haute-Vienne.


Dans le coin gauche, un dessin spécialement créé pour la dite société Rivoire § Jeandet par Benjamin Rabier :


En fait, c'est plusieurs centaines de vieilles factures des années trente que j'ai acquis en même temps que celle-ci... Il en est de très belles, et cela me rappelle les encres d'Alechinsky réalisées à partir de  factures semblables. Que du bonheur.

 Façon d'un lit, Pierre Alechinsky, 1978, Encre de Chine sur une facture de 1922, barrée et annotée au crayon de couleur, 275 x 210 mm, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Don de l'artiste, Bruxelles, 1980.

Tiens, Bruxelles.


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