lundi 16 janvier 2017

# 13/313 - Bande à part

Six mois après The  Last Man on Earth sort, en août 1964, Bande à part, de Jean-Luc Godard. Après l'immense succès du film précédent, Le Mépris, d'après Alberto Moravia, tourné avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli ( près d'un million six cent mille spectateurs en France), mais où il a dû affronter les exigences des producteurs américains qui voulaient des scènes de nu avec Bardot, Godard se fait un plaisir avec ce film en noir et blanc, basé sur une vague intrigue de polar, prétexte à un tournage en liberté où il expérimente à loisir, distendant le temps ou le précipitant, offrant aux trois acteurs (Anna Karina, Sami Frey et Claude Brasseur) une partition où la comédie et le drame ne cessent de s'entrecroiser. La scène la plus emblématique, et sans doute la plus célèbre du film, est la fameuse visite du Louvre en 9 minutes et 43 secondes.

 

Comment, en trois plans et moins d'une minute, réaliser une scène mythique. C'est ça aussi l'art de Godard. Bon, le film n'est pas toujours à ce niveau là, et il faut bien avouer qu'on s'y ennuie parfois, du moins, en ce qui me concerne, je me suis ennuyé sur certaines scènes que Godard se plaît à étirer, mais dans l'ensemble, par sa fantaisie et son invention, Bande à part mérite d'être vu et revu. Et c'est grâce à l'application Mubi, qui propose en ce moment une rétrospective Godard que je l'ai découvert pour la première fois le 5 janvier dernier.


Ceci étant dit, pourquoi parler ici de ce film ? Quel rapport avec ce qui nous a occupé jusque là ? Eh bien, parce que Bande à part (soit dit en passant le septième film de Godard) évoque un écrivain phare de notre investigation, à travers le personnage de Franz (Sami Frey) passionné de littérature, et surtout d'auteurs américains. Extrait :

 

 Cet auteur américain n'est pas cité mais il s'agit évidemment d'Edgar Poe, avec sa célèbre nouvelle de La Lettre volée (The Purloined letter) publiée en 1844. Nous retrouvons aussi le double mouvement Europe-Amérique, car cette histoire écrite par un Américain se déroule à Paris, le héros en étant le détective et Chevalier Auguste Dupin. De même, Bande à part, qui se passe donc aussi à Paris, est adapté (très librement) du roman Pigeon vole (Fools' Gold, 1958) de l'auteur américain Dolores Hitchens (1907–1973). Incidemment, j'ai appris aussi que Quentin Tarantino, qui voue au film un culte particulier, a nommé en hommage sa société de production A Band Apart.

Ce n'est pas le seul écho littéraire du film, loin de là. Par exemple, dans l'extrait suivant, avec la voix off, Godard lui-même :



"C'est sous les ciels de cristal qu'Arthur, Odile et Franz traversèrent des ponts suspendus sur des fleuves impassibles. Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Un goût de cendre volait dans l'air."

"Les fleuves impassibles", " Rien ne bougeait au front des palais. L'eau était morte." C'est Arthur Rimbaud bien sûr que Godard nous fait ici entendre, avec ces fragments d'Aube et du Bateau ivre. Et bien sûr, ce n'est pas un hasard si l'un des trois personnages se nomme Arthur. Et je suis presque certain que Franz est une évocation de Franz Kafka, car il y a entre Sami Frey et l'écrivain une ressemblance certaine.


 Sur les ciels de cristal, je ne savais pas, je n'étais pas sûr, j'ai fait une recherche sur Google, une surprise m'attendait.

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