mardi 28 mars 2017

# 74/313 - Chabert le Revenant



Une autre grande oeuvre littéraire s'assource à Eylau, que Jean-Paul Kauffmann  évoque abondamment dans son ouvrage : Le colonel Chabert, de Balzac. La première épigraphe lui revient d'ailleurs :

" - Monsieur, lui dit Derville, à qui ai-je l'honneur de parler ?
- Au colonel Chabert.
- Lequel ?
- Celui qui est mort, à Eylau, répondit le vieillard."
Emmanuel Hecht, chroniquant Outre-Terre dans L'Express en 2016, écrit : "Déclaré mort après avoir eu le crâne fendu par un sabre russe, il réapparaît sous la Restauration. C'est un revenant, un survivant. Comme Jean-Paul Kauffmann, qui fut entre les mains de geôliers au Liban, pendant trois ans.

Jean-Paul Kauffmann qui rappelle que lorsque Chabert se rend à l'étude de l'avoué Derville, l'un des clercs note qu'il a "l'air d'un déterré": "Le visage de l'ancien colonel de cuirassiers est défait comme celui d'un cadavre. Il vient bien du royaume des morts. Déterrer. Eylau est une histoire d'arrachement, d'exhumation. Une manière de faire ressortir ce qui était oublié. Ou caché." (p. 30)

Chabert est littéralement un revenant. Or, Philippe Muray, juste après avoir cité le poème que l'on a vu, poursuit ainsi :
"Il y a même un poème intitulé franchement Le Revenant, mais oui ! Son scénario mérite, je crois, un bref retour. Une mère vient de perdre son fils. Le désespoir la ronge lorsqu'elle se retrouve de nouveau enceinte. Elle ne veut pas de ce nouvel enfant par lequel elle a l'impression d'être infidèle au disparu. Elle finit tout de même par accoucher. Machinalement, elle donne le sein au bébé ("songeant moins aux langes qu'au cercueil") lorsque soudain elle entend celui-ci murmurer entre deux succions de téton : "C'est moi. Ne le dis pas !"" (p. 559)


Deux ans plus tard, Hugo ajoute un nouvel  épisode à sa Légende. A la date du 7 novembre 1876, il met en scène Cassandre à Argos, à la cour du palais d'Agamemnon. La princesse captive refuse de descendre du char auquel elle a droit, comme de parler. Elle ne s'y résoudra qu'après une dernière requête du chœur, la priant de céder au destin. Un seul vers lui revient :
Dieux ! Grands dieux ! Terre et ciel ! Apollon ! Apollon !
Et Apollon, dans l'ombre, est-il précisé, lui répond :

         Je suis là. Tu vivras, afin que ton oeil voie
         Le flamboiement d'Argos plein des cendres de Troie.

Apollon est dit Loxias, c'est-à-dire l'Oblique,  à cause de ses oracles ambigus, car il n'est pas bon, dit-on, que l'avenir soit révélé trop clairement aux hommes.


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