mercredi 26 avril 2017

# 99/313 - Les vagabonds de la nuit

                                                     (...) 
                                                     ce pauvre loup

                                                    affamé me suit à la trace la peur la peur
                                                    les pierres, les oiseaux, et la terre qui

                                                   tourne éclairée par le soleil, cette vaste

                                                   solitude tout

                                                   ou rien (...)

Georges Oppen, "Poème politique", Primitif, 1978, in Poésie complète, José Corti, 2013

Monts du Lyonnais. Nous découvrons la maison de Bristena et Adrien, tout en haut du village de Chambost-Longessaigne. J'ai laissé les loups derrière moi (enfin, pas tout à fait, car j'ai emporté dans mes bagages l'essai de Baptiste Morizot dont il me reste quelques pages à finir, et Anthologie du loup, d’Élise Rousseau), mais je ne tarde pas à les retrouver, car nos hôtes nous proposent (alors qu'ils ne savent rien de mes dernières lubies) d'aller visiter samedi après-midi le parc de Courzieu. Et qu'y a-t-il au parc de Courzieu ? Des loups bien sûr. Une petite meute de loups importés de Yougoslavie. Pas aussi nombreux qu'à Chabrières dans les monts du Guérétois, mais on peut admirer aussi des rapaces (avec un beau spectacle mêlant buses, faucons, pygargues, milans et vautours), et des escargots... (mais nous sommes partis avant les exhibitions gastéropodiques).

Les loups gris de Courzieu au moment du repas
Après avoir rappelé dans son introduction que des centaines de lieux-dits portent en France le nom du loup, Élise Rousseau conclut en écrivant :"N'oublions pas de citer le personnage d'Arsène Lupin, créé par Maurice Leblanc, le voleur à pas de loups et connu comme le loup blanc, dont le nom évoque directement le prédateur."(p.19) Elle ne prolonge pas cette réflexion, mais elle avait vu ici ce que bien d'autres ont laissé passer.
Ce qui ne manque pas d'étonner dans cette anthologie, c'est la place qui tient le Berry. A la page 53, nous est donné un texte intitulé "Le loup-garou, superstition du Berry", extrait du tome III du Livre des conteurs de Paul Lacroix (1833) :
"Ménage et Saumaise ont cherché l'étymologie de loup-garou, qui dérive aussi logiquement de l'hébreu haraboth que du latin guarosus, signifiant tous deux vagabonds de la nuit : il faudrait peut-être mieux entendre garou, comme si l'on disait quelqu'un dont on se gare. Enfin, ces hommes anthropophages, qui errent la nuit, solitaires et enragés, ayant les signes caractéristiques de la nature louve, soit la tête, soit le poil, soit les pattes, soit la queue, se retrouvent encore dans plusieurs parties de la France, et le Berry conserve encore cette antique tradition dans toute sa vigueur, parce qu'elle se rattache particulièrement aux moutons qui font la richesse de cette province ignorante." [C'est moi qui souligne]
On appréciera la "province ignorante"... Toujours est-il que les étymologies proposées sont totalement fantaisistes : garou vient du francique *wariwulf ou *werwolf, qui veut dire "homme-loup", autrement dit "loup-garou" est un pléonasme, comme l'a signalé Henriette Walter (citée par Morizot). Quelqu'un comme George Sand ne l'ignorait d'ailleurs pas : dans Légendes rustiques (1858), elle écrit qu'en "Berry, où déjà les contes que l'on fait à nos petits-enfants ne sont plus aussi merveilleux ni aussi terribles que ceux que nous faisaient nos grands-mères, je ne me souviens pas que l'on m'ait jamais parlé des hommes-loups de l'Antiquité et du Moyen Age. Cependant on s'y sert encore du mot garou qui signifie bien, à lui tout seul, homme loup ; mais on a perdu le vrai sens."


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