samedi 14 octobre 2017

# 246/313 - Du quai de l'Horloge au Vert-Galant

27/09 encore. Rémi Schulz publie Ana Mor, mords-moi à mort sur son site Quaternité. Il y est d'abord question du roman La dévoration de Nicolas Etienne d'Orves, un écrivain que je n'ai jamais lu, puis, de fil en aiguille, l'enquête débouche sur Temps glaciaires, l'avant-dernier opus de Fred Vargas. J'ai la surprise un peu plus loin d'être cité :
"Le lecteur de Temps glaciaires n'apprend le nom de l'assassin qu'une fois celui-ci démasqué, Charles Rolben. Les enquêteurs le connaissaient déjà sous le pseudo Lebrun, secrétaire de l'Association, et, toujours en admettant l'interchangeabilité de O et U, ROLBEN est l'anagramme de LEBRUN.

ROLBEN est aussi l'exacte anagramme de BLERON, et Patrick Bléron est un récent lecteur de Quaternité, m'ayant appris la mort d'Etienne Cornevin dans les circonstances synchronistiques relatées dans Eberluant anniversaire., mon 233e billet, où je remarquais la valeur de son nom,
PATRICK BLERON = 78+66 = 144, le Fibo précédant 233."
Bon, être l'anagramme exacte d'un assassin, fut-il fictif, vous laisse un peu songeur... Mais il faut reconnaître que c'est très bien vu, et d'ailleurs Rémi Schulz se loge à même enseigne : "Dans son roman suivant, L'armée furieuse, j'ai identifié le criminel dès la vue de son nom, le gendarme Emery. Puis vient Lebrun alias Charles Rolben dans Temps glaciaires, or le Schulz le plus connu a pour prénom Charles, devenu celui de son héros Charlie Brown, Charles Le Brun ?"


Trois jours plus tard, le 30 septembre, je découvre sur la page d'Amazon la quatrième de couverture de Temps glaciaires :
"Adamsberg attrapa son téléphone, écarta une pile de dossiers et posa les pieds sur sa table, s'inclinant dans son fauteuil. Il avait à peine fermé l'oeil cette nuit, une de ses soeurs ayant contracté une pneumonie, dieu sait comment. La femme du 33 bis ? demanda-t-il. Veines ouvertes dans la baignoire ? Pourquoi tu m'emmerdes avec ça à 9 heures du matin, Bourlin ? D'après les rapports internes, il s'agit d'un suicide avéré. Tu as des doutes ? Adamsberg aimait bien le commissaire Bourlin. Grand mangeur grand fumeur grand buveur, en éruption perpétuelle, vivant à plein régime en rasant les gouffres, dur comme pierre et bouclé comme un jeune agneau, c'était un résistant à respecter, qui serait encore à son poste à cent ans. Le juge Vermillon, le nouveau magistrat zélé, est sur moi comme une tique, dit Bourlin. Tu sais ce que ça fait, les tiques ?". [C'est moi qui souligne]
Or, je venais quelques jours plus tôt d'écrire le quarantième épisode de ce que je nomme ma Fiction-1967. Celle-ci doit comporter 52 épisodes, publiés chaque dimanche de cette année 2017, avec cette contrainte que je me suis donné de toujours faire allusion à un véritable événement survenu ces jours-là. Le 1er octobre, par exemple, voit la télévision couleur arriver pour la première fois en France (treize ans après les États-Unis) et j'ai imaginé que ce grand moment  fut l'occasion d'une fête, ou disons d'un raout mondain, organisé par un certain commissaire Bougrin. De Bourlin à Bougrin, il n'y a guère qu'une lettre de différence (je rappelle que je n'ai pas lu Temps glaciaires). Il y a tout de même des écarts : mon Bougrin est loin d'être aussi sympathique que le Bourlin de Vargas, c'est même un fumier de première. Non, le flic sympathique dans mon histoire c'est l'inspecteur Lagneau, dont le nom comme par hasard se retrouve dans la description de Bourlin (bouclé comme un jeune agneau).

Le lendemain je n'y tiens plus, j'emprunte le roman  de Vargas.
Je le dévore.
Page 177, je sursaute : "Les trois hommes se retrouvèrent, par quelque contraste, auprès de la statue équestre du roi Henri IV, au square du Vert-Galant, et s'installèrent sur un banc ensoleillé."
Il se trouve encore une fois que j'ai placé l'appartement de mon Bougrin sur cette même île de la Cité : "Quai de l’Horloge, sur l’île de la Cité. Bougrin habite là, un appartement spacieux au troisième. Fils et petit-fils de policiers qui ont toujours tenu à crécher dans l’orbe des institutions judiciaires, à trois battements d’aile de moineau du quai des Orfèvres, il perpétue la tradition tout en se voulant en même temps farouche défenseur de la modernité."
Or, où est placé le square du Vert-Galant ?  Ni plus ni moins qu'au bout du quai de l'Horloge.


Ce lieu n'est pas anodin pour Adamsberg, la preuve en est qu'il y retourne à l'avant-dernier chapitre :
"Après avoir dîné, Adamsberg et François Château marchaient dans le jardin presque désert de l'île de la Cité, tournant autour de la statue d'Henri IV." (p. 482). Le fantasque commissaire aime la proximité du fleuve, qui le console un peu de l'absence du gave de Pau : "Adamsberg s'éloigna, laissant Château à son pesant destin, et traversa le pont qui le menait sur la rive gauche, respirant l'odeur de la Seine au passage, s'accoudant au parapet pour la regarder s'écouler, sale, dégradée mais encore puissante."
De même Lagneau fait arrêt près du fleuve :
"La télé tournait dans le salon, que personne ne regardait plus, sauf les caniches d’une vieille dame en fourrure léopard, que Lagneau salua profondément (les caniches, pas la dame). Deux minutes plus tard, il était devant les flots bruns du fleuve, songeant à cet assassin justement dit des berges de Seine, employé à la Préfecture, vipère nourrie en son sein, qui, en 1913, acculé dans son appartement, avait pulvérisé le grand-père de Bougrin dans son explosion programmée. Et il ne pouvait s’empêcher d’éprouver pour ce personnage quelque sympathie."
Ici, je fais allusion à la fiction 1913, que j'écrivis en 2013, où figurait ce personnage d'assassin dit des berges de Seine :
"Ben alors ça... ben alors ça...
Edmond le commis boucher n'en revenait toujours pas. Alors c'était bien vrai, l'assassin des berges de Seine, c'était lui, le petit bonhomme à chapeau melon qui faisait des réussites près de la porte des pissotières, lui dont on savait tout juste qu'il travaillait à la Préfecture de police, même qu'on faisait attention à ce qu'on jactait quand il était là, encore que, il était si discret, si gris, si insignifiant que des fois on l'oubliait, et qu'on se mordait un peu la langue, mais lui de toute façon, il avait pas l'air de nous écouter, il était concentré sur son tas de cartes, alors.
Je l'ai toujours trouvé louche, ce cave, a dit Fernand Gravelin en lampant son quatrième Byrrh de la journée, et puis jamais une pièce de vingt sous pour jouer avec nous autres, et à boire du café tout le temps comme une gonzesse.
Allongé, le café, allongé, je me rappelle bien, a souligné Edmond.
Oui, allongé, qu'est-ce que ça peut foutre, qu'il était allongé son café ? Hein ! sac à brosse ! En tout cas, c'est lui qu'est allongé maintenant !
Il rigole le Fernand, de sa grosse vanne, et Arthur Rosenthal protège son verre avec Le Petit Journal parce qu'un rire de Fernand c'est la fabrique à postillons, avec arrosage rotatif à 360°.
Pour arrêter le geyser, reprendre la main de la conversation.
Il leur a joué quand même un sale tour, le coup de la bombe à l'ouverture de la porte, les anars auraient pas mieux fait, l'étage de l'hôtel pulvérisé, trois pandores déchiquetés et un ponte de la Préfecture, un certain Bougrin. Notre gaillard s'est fait sauter la gueule, mais en bonne compagnie.
Quand je pense que ces cons-là cherchaient dans tout Paname alors qu'il marnait dans le bureau à côté !"
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NB : Je participe ce soir à la Nuit du Polar, organisé par les éditions de la Bouinotte. Après le salon du livre à Equinoxe, grand jeu-enquête dans les rues interlopes de Châteauroux. Inscriptions closes, mais possibilité tout de même de hanter les lieux du drame... Certaines rumeurs impossibles à vérifier affirment que quelque chose se tiendrait du côté du Musée-Hôtel Bertrand...

1 commentaire:

blogruz a dit…

Ces coïncidences flicardes surviennent alors que vient de paraître Avant l'aube de Xavier Boissel, dont le héros est l'inspecteur Philippe Marlin, homonyme d'un ami, par ailleurs assez connu pour que ce ne soit peut-être pas un hasard, mais d'autres détails du roman me sont plus intimement significatifs, comme le quartier des Batignolles de mon enfance où vit Marlin. Marlin enquête en 66-67 sur la mort de son ami le commissaire Baynac, "accidentellement" noyé dans un petit lac, mais le SAC est dans l'affaire...
Ton inspecteur Lagneau me rappelle le héros du roman le plus classique de Pouy, RN 86, le prof de latin Léonard Laigneau. Le pandore local s'y nomme Boulard.
Bref la conjugaison de Bougrin-Bourlin-Boulard, Marlin-Bourlin, de la noyade assistée par le SAC, tout ça évoque l'affaire Robert Boulin...