jeudi 7 décembre 2017

# 292/313 - Lena Nyman, teaterelev, 22 år

"Puis elle me parle de deux amis qu'elle a eus : l'un, à son arrivée à Paris, qu'elle désigne habituellement  sous le nom de "Grand ami", c'est ainsi qu'elle l'appelait et il a toujours voulu qu'elle ignorât qui il était, elle montre encore pour lui une immense vénération, c'était un homme de près de soixante-quinze ans, il lui a dit en partant qu'il retournait au Sénégal ; l'autre, un Américain, qui semble lui avoir inspiré des sentiments très différents : "Et puis il m'appelait Lena, en souvenir de sa fille qui était morte. C'est très affectueux, très touchant, n'est-ce pas ? Pourtant il m'arrivait de ne plus pouvoir supporter d'être appelée ainsi, comme en rêvant : Lena, Lena... Alors je passais plusieurs fois la main devant ses yeux, très près de ses yeux, comme ceci, et je disais : Non pas Lena, Nadja."

André Breton, Nadja, Folio, p.84-85

Le même jour où je travaillais sur Nadja, je visionnais sur Mubi avant qu'il disparaisse le film de Vilgot Sjöman, I'm curious (yellow). Ce film suédois, sorti en 1967 (c'est pourquoi, on le devine, je tenais à ne pas le louper), fit scandale à l'époque, car il contenait des scènes de sexe qu'on nomme explicites (autrement dit pas de fondu au noir à l'instant crucial). Ce n'était pourtant pas un film pornographique mais bien plutôt un film politique, influencé dans la forme par Jean-Luc Godard, où l'on voyait tout d'abord l'actrice principale, la jeune Lena Nyman (qui avait gardé son nom à l'écran) interroger, micro en main, les Suédois dans la rue en leur posant la question : "La Suède est-elle une société de classes ?" D'un autre côté, elle entretenait une double liaison avec le réalisateur, Sjöman jouant son propre rôle, et un jeune vendeur de voitures, Borje, avec qui elle s'envoyait en l'air avec une certaine frénésie. Le film n'a rien de graveleux (il sema pourtant le trouble jusqu'à la Cour suprême des Etats-Unis) et garde, cinquante ans plus tard, une allure de jeunesse remarquable (redevable aussi au filmage non académique).


C'est le prénom, Lena, qui bien sûr m'interpelle, au-delà de l'intérêt intrinsèque du film, ce prénom que l'un des amis de Nadja lui attribue. Lena bien proche de Léona, le vrai prénom de Nadja. Il n'est peut-être pas anodin de noter que dans le film, Lena vit avec son père, dans un tout petit appartement qu'elle traite à un moment de taudis, sa mère l'ayant abandonnée quand elle était petite pour une raison que l'on ignorera toujours. Reproduisant ainsi la situation de la fille de Léona Delcourt qui fut ainsi confiée à ses grands-parents quand Léona partit pour Paris (elle avait eu l'enfant avec un officier britannique dont on ne sait ni le nom ni s'il était au courant de sa paternité - en tout cas, Léona accoucha seule dans un  hôpital de Lille le 21 janvier 1920).


Ce matin (j'écris le 2/12), je découvre aussi le nouveau billet de Rémi Schulz, encore un quatre avril, qui s'ouvre sur un autre film de 1967, Le Samouraï, de Jean-Pierre Melville.


Il s'agit du premier plan du film, qui mentionne donc la date, 4 avril, autrement dit 4/4. Or, il fut amusant de voir sur la bande latérale droite de ce présent blog où sont affichés les sites suivis, un jeu d'échos avec le dernier billet de François Matton (quatre dessins réunis en carré).


Ajoutons que Lena Nyman est née comme Léona Delcourt un 23 mai (Léona en 1902 et Lena en 1944) ; elle est morte à Stockholm le 4 février 2011.
Le jazzman Steve Lacy (voir article de Jean-Jacques Birgé) est né le 23 juillet 1934 et mort à Boston le 4 juin 2004.

Ajoutons encore que Breton loua de 1922 à sa mort, en 1966, un appartement rue Fontaine. Il y vécut donc 44 ans.

Ajoutons enfin (amusons-nous encore un peu, même si on nous accuse de couper les cheveux en quatre) que quatre mots, sur cette bande latérale, portent deux a comme dans Nadja : bavards, cadavre, Taelman et inlassable - ce qui pourrait être repris dans une seule phrase comme celle-ci : L'inlassable Taelman fustige les bavards qui s'agitent autour du cadavre.

Et il se trouve aussi que ce matin, cela me revient maintenant, j'ai émergé d'un rêve où une certaine Anna avait gagné le prix Femina (décidément il m'obsède jusque dans mes nuits). Cela se passait je ne sais pourquoi dans un collège. Un googlage plus tard, je ne vis aucune Anna dans la liste des récipiendaires du prix. En revanche, il fut décerné pour la première fois (il se nommait alors prix Vie heureuse du nom d'un nouveau magazine créé en 1902 et destiné à un lectorat féminin), le , par un jury de vingt-deux femmes présidé par la poétesse Anna de Noailles (dont le nom complet est Anna-Elisabeth de Noailles née Bibesco Bassaraba de Brancovan).
Et Lena Nyman se nommait en réalité Anna Lena Elisabet Nyman.

Pour le collège, je ne sais toujours pas.

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