jeudi 4 octobre 2012

marcher toujours le plus droit qu'ils peuvent vers un même côté

Descartes m'ennuyait, son cogito me laissait presque indifférent, je n'avais jamais vu en lui un philosophe susceptible de me remuer l'âme, et ce que je connaissais de lui ne m'avait pas donné envie d'en lire plus. C'était bien injuste car, de fait, je n'avais rien lu. Il a fallu la rencontre d'un livre avec ce titre qui m'a tout de suite accroché : Dans le milieu d'une forêt. Sous-titré, Essai sur Descartes et le sens de la vie.


Qu'est-ce que Descartes avait à voir avec le milieu d'une forêt ? Avec la recherche du sens de la vie ? La philosophie en terminale m'avait tellement déçu, précisément parce que j'y cherchais confusément, à dix-sept ans, quelques réponses sur le sens de la vie et qu'aucune ne me fut donnée. J'avais abandonné la voie scientifique, à l'époque le fameux bac C , pour pouvoir mieux me consacrer à cette discipline de pensée, et puis insensiblement tout s'était racorni, dilué dans l'étude de textes et de thèmes qui ne me paraissaient pas aller à l'essentiel, qui ne m'aidaient en rien à choisir le chemin à suivre.
J'étais sans doute trop exigeant, trop radical comme on l'est souvent à cet âge-là. Trop peu subtil aussi pour ne pas voir ce qu'il y avait de fort et de percutant dans ce qui nous était proposé à la réflexion. Notre professeur n'a pas allumé la lumière dans nos têtes, dans la mienne en tout cas. J'ai assez vite cherché d'autres voies, particulièrement dans la littérature.
Le livre de Denis Moreau effectue comme une réparation.

Ma seconde maxime était d'être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses lorsque je m'y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées: imitant en ceci les voyageurs, qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant tantôt d'un côté tantôt d'un autre, ni encore moins s'arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu'ils peuvent vers un même côté, et ne le changer point pour de faibles raisons, encore que ce n'ait peut-être été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir; car, par ce moyen, s'ils ne vont justement où ils le désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque part où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d'une forêt. Et ainsi les actions de la vie ne souffrant souvent aucun délai, c'est une vérité très certaine que, lorsqu'il n'est pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies opinions, nous devons suivre les plus probables; et même qu'encore que nous ne remarquions point davantage de probabilité aux unes qu'aux autres, nous devons néanmoins nous déterminer à quelques unes, et les considérer après, non plus comme douteuses en tant qu'elles se rapportent à la pratique, mais comme très vraies et très certaines, à cause que la raison qui nous y a fait déterminer se trouve telle. Et ceci fut capable dès lors de me délivrer de tous les repentirs et les remords qui ont coutume d'agiter les consciences de ces esprits faibles et chancelants qui se laissent aller inconstamment à pratiquer comme bonnes les choses qu'ils jugent après être mauvaises.
        Discours de la Méthode, troisième partie, seconde maxime.

C'est ce passage cité en exergue que Denis Moreau développe tout au long de son étude.

Ciel sur la route d'Ambrault

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