mercredi 31 mai 2017

# 129/313 - Le trou de saint Génitour

Le 25 mai 2017, à 17 h 17, je recevais le commentaire suivant de Sylvie Durbec : "Si tu viens le 7 juin au Moulin de la Filature, tu y trouveras Germinal né d'un trou dans son genou par lequel il atteignit les antipodes...génuflexion etc...Nou y voilà avec St Genou, engendré par son propre nom dans le cas de Germinal!"

Le Moulin de la Filature, près de la Creuse, c'est au Blanc. Aussitôt je songeai (merci Sylvie) à l'une des églises de la ville, portant le nom de Saint Génitour, saint dont la proximité phonique avec saint Genou est évidente (rappelons que saint Génit est soit le père, soit le compagnon de Genou, dans les différentes versions de sa Vie). Saint Génitour qui est aussi l'un des neuf saints que la ville honore encore comme Les Bons Saints, à travers une légende que Lucienne Chaubin (Le Blanc, vingt siècles d'histoire, 1982) date du IX ou du Xème siècle, mais que Patrick Grosjean (Le Blanc de A à Z, Alan Sutton, 2007) affirme ne pas être antérieure au XIe siècle.

 
Que nous raconte-t-elle, cette légende ? Eh bien que Maure, une riche veuve du pays des Goths, en Hongrie, était venue à Tours avec ses neuf fils, Loup, Bénigne, Béat, Epain, Marcellien, Messsaire, Génitour, Principin et Tridoire, pour demander le baptême à saint Martin. Ce que s'empressa de faire, bien sûr, l'auguste évangélisateur. Décision qui ne fut pas du goût d'Agrippinus, roi des Goths, qui avait juridiction sur cette famille. Il dépêcha une troupe pour les faire abjurer ou pour les exterminer s'ils ne voulaient point se soumettre. On assiste alors à une vraie course poursuite. « Prévenue, dixit Lucienne Chaubin, Maure se cacha dans la grande forêt celte (Forêt de Teillé) ». Pourquoi les neuf fils n'en font-ils pas autant ? Mystère. En tout cas, les voilà fuyards en direction du sud. Les gens d'armes d'Agrippinus capturent tout d'abord Loup, l'aîné de la fratrie. « Je m'appelle Loup, dit-il, mais vous me trouverez prêt à mourir pour le Christ avec la douceur d'un agneau. » On lui tranche aussitôt la tête, ainsi qu'à Bénigne et Béat.

Epain se voit rattrapé à Saint-Epain, toujours en Touraine, et soumis au même châtiment.

La troupe assoiffée de sang martyrise ensuite Marcellin à Barrou et Messaire près de Tournon (Saint-Pierre ou Saint-Martin). Ces deux dernières localités se situent sur la vallée de la Creuse.
C'est enfin à Oblincum, c'est-à-dire au Blanc, que sont rejoints les trois petits derniers, Tridore, Principin et Génitour, qui sont décapités sur la rive gauche de la Creuse, donc dans la partie Ville Haute du Blanc.

Avant d'en venir au dernier épisode, remarquons que le trajet emprunté par les neuf fils n'a pas adopté la ligne droite. L'itinéraire se présente en fait comme une ligne brisée dont le point d'inflexion est Saint-Epain, bourg implanté à l'endroit où la voie gallo-romaine Tours-Poitiers franchissait la rivière Manse «  tout près de son confluent avec le ruisseau de Montgoger au lieu-dit « la Boue » point le plus bas du bourg et de la vallée, nom hautement symbolique désignant un passage boueux qui n’est autre qu’un passage à gué de la rivière. »


L'eau est donc un thème constant de cette histoire édifiante, comme on va encore le vérifier avec le dernier acte : car Génitour ramasse sa tête ensanglantée, traverse la rivière et va frapper à la porte d'une chapelle gardée par un aveugle prénommé Sébastien. Celui-ci ne consent guère à lui ouvrir jusqu'à ce que Génitour, passant son doigt sanglant à travers un trou de la porte, ne le touche et lui fait recouvrer la vue.  Génitour va alors s'étendre sur le dallage, désignant ainsi sa sépulture.

Le trou dans la porte de l'église Saint-Génitour

1 commentaire:

sylvie Durbec a dit…

Berceau et sépulcre sont tout proches...Génitout, sans progéniture? Ce doigt donne la vue, substitut d'un sexe qui donne la vie?