vendredi 23 juin 2017

# 149/313 - Le cercle de Judas

Repartons donc de cette table de la Cène sur la fresque de Vic :

Ce long rectangle est rythmé par les ustensiles et les plats. La seule figure humaine est celle de Judas, dont la moitié du corps est comme circonscrite dans l'espace de la table. Apparaissent aussi les mains du Christ et deux mains d'apôtres à chaque extrémité, comme en miroir.
Maintenant, si l'on prend comme matrice ce rectangle de la table, on s'aperçoit que toute cette Cène est organisée en states successives. Voyons le rectangle supérieur :


Ici, c'est Jean qui apparaît seul, penché qu'il est sur la poitrine du Christ. Un triangle central s'impose avec évidence, formé par les bras de celui-ci. Les manches des apôtres rythment l'espace restant. Le rectangle suivant nous offre en revanche tous les visages avec une symétrie 5/5 des apôtres, symétrie qui évite subtilement la rigidité d'un effet-miroir total, notamment avec un rythme des couleurs des auréoles différent d'un côté à l'autre : rouge/jaune/blanc/jaune/rouge s'oppose à blanc/jaune/blanc/jaune/rouge.


Le rectangle suivant présente une autre symétrie 5/5 avec les fenêtres des deux bâtiments de part et d'autre du petit édifice central. Là encore, pas d'uniformité : les toitures diffèrent par la couleur.


Si l'on regarde maintenant le rectangles inférieur à celui de la table, nous voyons qu'il est puissamment rythmé par les plis des robes. Celle du Christ, centrale, bicolore, désigne l'axe de symétrie de la composition tandis que la robe de Judas s'épanouit en une magnifique corolle tourbillonnante.


La rigueur de l'ensemble, toujours associée à des éléments dissymétriques, lui donne cette force et cette vie absente de bien des miniatures et des fresques de la même époque. Les lignes de force de la fresque montrent que l'artiste se fondait sur des repères solides : le thème perturbateur (Judas), loin de ruiner l'équilibre de l’œuvre, lui apporte vitalité et mouvement.


L'axe bleu passant par le centre de la robe du Christ est légèrement dévié par rapport à l'axe de symétrie du visage. Exemple encore une fois de cette souplesse vibratoire de la composition (de même les bords de la table ne sont pas d'une rectitude absolue : la ligne droite ne l'est jamais longtemps).

Pour finir sur Judas, on s'aperçoit que tout son corps, le seul ici à être représenté en entier, s'inscrit dans un cercle dont l'arc est donné par le mouvement de la robe.. Circonférence qui vient prendre dans son élan la main qui plonge dans le plat de la Cène.


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