jeudi 5 octobre 2017

# 238/313 - Les paons aux quatre fleuves

"Il y a dans Ravenne un motif assez largement répandu, et le plus beau peut-être, au moins le plus lourd de sens. Il représente deux paons. Dressés, affrontés, savants et simples comme des hyperboles, ils boivent dans un même calice ou mordent la même vigne. Dans un entrelacs de l'esprit qui reprend et achève celui du marbre, il signifient la mort et l'immortalité."

Yves Bonnefoy, Les tombeaux de Ravenne, in L'improbable et autres essais, Folio/Gallimard, p. 18

Le livre ne donnait aucune illustration de ce motif des paons, mais je les retrouvai sans mal sur le net, grâce au site Art-sacré.net. Ainsi ces paons affrontés au calice, du sarcophage de St-Apollinaire-le-neuf.


Le site commente ainsi cette superbe figure : 
"En même temps que les agneaux, les artistes chrétiens ont développé le thème des paons affrontés à la coupe eucharistique ou à la croix, à cause du symbolisme propre attaché aux paons dans toute l’antiquité: volaille assez ordinaire à la fin de l’hiver, le printemps et la saison des amours le dotent d’une queue splendide, qu’il déploient en roue comme un soleil, éclairée de graphismes ressemblants à des yeux. Cette transformation commune à beaucoup d’animaux, mais exceptionnellement accentuée chez les paons a prêté à ceux-ci la capacité d’évoquer la résurrection. Ce retour à la vie printanière prête à l’oiseau une splendeur qu’il n’avait pas en naissant, c’est pourquoi les hommes y ont lu une images de l’entrée dans la vie qui ne s’interrompra pas.
La vigne qui produit le vin de la coupe a fourni au Christ une image très forte pour expliquer l’union entre lui et les hommes qu’il a sauvé.
Jésus a annoncé : “Je suis le cep et vous êtes les sarments. Qui demeure en moi, comme moi en lui, porte beaucoup de fruit, car hors de moi vous ne pouvez rien faire.” (Jean 15,5) "
Sur la même page, une autre illustration de paons affrontés retint plus spécialement mon attention : paons affrontés à la croix, avec quatre fleuves, du sarcophage de St-Apollinaire-in-classe, toujours à Ravenne.


Ce sont les quatre fleuves qui m'interpellent. Tout simplement parce que la veille (27/09), j'ai relu la bande dessinée de Baudoin et Fred Vargas, Les quatre fleuves, parue chez Viviane Hamy en 2000. Et si j'ai relu cette bédé (formidable : le dessin de Baudoin sert à merveille la noire écriture de Fred Vargas), c'est avant tout parce qu'elle était citée dans le dernier article de Rémi Schulz, sur son blog Quaternité : Ana Mor, mords-moi à mort, postée le même 27 septembre.



Dans l'histoire, ces quatre fleuves renvoient à la sculpture qu'édifie le père du jeune Grégoire Braban, une réplique de la fontaine des Quatre Fleuves de la place Navone à Rome, qu'il réalise avec des canettes et des capsules de bière.


Statue du Gange - Fontaine des Quatre Fleuves, Le Bernin (1651) - Rome

A partir de cet instant, toute une série de connexions se sont opérées, reliant Bonnefoy et Vargas/Baudoin entre eux et à d'autres sources. En quelques minutes seulement, un entrelacs de significations m'est apparu, qu'il me faudra plusieurs jours, je pense, pour démêler.

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