samedi 4 novembre 2017

# 264/313 - Le commencement du mot espérance

Il se peut que la vie demande à être déchiffrée comme un cryptogramme. 
André Breton, Nadja

27/10 - La revue en ligne Diacritik, en lien sur Alluvions, fait paraître un article de Christine Marcandier, Léona, Nadja, héroïne du surréalisme. Il s'agit d'une chronique du livre de la romancière néerlandaise Hester Albach, biographie de Léona Delcourt, autrement dit Nadja, celle qui inspira à André Breton ce livre fascinant vers lequel je ne cesserai, me semble-t-il, jamais de revenir.

   
Léona Delcourt (1902-1941)

L'article commence ainsi :  
"Elle me dit son nom, celui qu’elle s’est choisi : ʺNadja, parce qu’en russe c’est le commencement du mot espérance, et parce que ce n’en est que le commencementʺ ». Les lecteurs d’André Breton reconnaîtront cette phrase et cette femme, muse, inspirant un manifeste du hasard, de la « beauté convulsive », de la mise en danger. Nadja, la femme qui sait coucher la réalité sous ses pieds, fait lever de « pétrifiantes coïncidences ». Qui incarne, pour Breton, un idéal surréaliste, au point qu’il niera la femme pour dire la figure, sa séduction, son infinie poésie, sa manière d’être une « idée limite »."
La pétrifiante coïncidence, pour moi, à ce moment-là, c'est que la veille, dans le 256ème billet, j'ai évoqué Nadejda Mandelstam, celle qui porte le nom complet du russe nadesjda, « espérance ». Par ailleurs, contrairement à ce que je crois tout d'abord, à savoir qu'il s'agit d'un livre qui vient de paraître, il s'avère qu'il a été publié par Actes Sud en 2009. Huit ans déjà. Sa réapparition dans les colonnes de la revue juste à ce moment-là n'en est que plus troublante. Je brûle bien sûr d'envie de le lire.


28/10 - Le lendemain, j'ouvre le livre de Pacôme Thiellement, et que vois-je en guise de citation épigraphe ? Moi aussi j'ai été en prison. Qui étais-je ? Il y a des siècles. Et toi alors, qui étais-tu ?
Et c'est signé Léona Delcourt. J'avais dû la lire déjà cette citation, mais elle ne m'avait pas frappé comme maintenant. Je pense que je n'avais pas fait la relation avec Nadja, dont je savais seulement que ce n'était pas le véritable nom inscrit à l'état-civil.

29/10 - Même chose, ou à peu près. Ce n'est qu'en me replongeant dans le livre de Pacôme pour examiner ce double écho vargasien antalgique-Vert-Galant, que je réalise qu'entre les deux s'insère Léona Delcourt :
"Philip K. Dick est extraordinaire, mais l'extraordinaire de l'extraordinaire, c'est la jeune fille aux cheveux noirs et au pendentif de poisson doré qui vint lui remettre l'antalgique buccal et qu'il ne retrouva jamais. Enfin la seule "surréaliste" qui ait vraiment intercédé pour la descente de la lumière ou pour l'apparition du plasme d'information divine, ce n'est pas André Breton. C'est Léona Delcourt, que le poète rencontra le 4 octobre 1926 rue Lafayette. C'est celle qui se surnomme elle-même Nadja : "parce qu'en russe c'est le commencement du mot espérance, et parce que ce n'en est que le commencement."
L'histoire du souterrain entre le Palais de Justice et le square du Vert-Galant, c'est aussi Léona/Nadja. Sauf que Pacôme Thiellement commet une légère erreur. André Breton et Nadja dînent place Dauphine*, et c'est au moment du dessert que Nadja commence à regarder autour d'elle : "Elle est certaine que sous nos pieds passe un souterrain qui vient du Palais de justice (elle me montre de quel endroit du Palais, un peu à droite du perron blanc) et contourne l'hôtel Henri IV."
Le Vert-Galant est présent par l'hôtel, non par le square. Mais celui-ci est en réalité tout proche.


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*Plus tard, dans la Clé des champs, Breton comparera la place Dauphine à un sexe féminin : il y évoque sa configuration triangulaire, d'ailleurs légèrement curviligne, et (...) la fente qui la bissexte en deux espaces boisés . Dans l'imaginaire de Breton, ce sont alors les deux bras de la Seine longeant la place qui dessinent les jambes de Paris.

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