vendredi 24 novembre 2017

# 281/313 - Un Corbu, des Clouzot

13/11. J'en ai fini avec La serpe. Ne me reste plus qu'à ranger le lourd volume. A l'étage des romans du même calibre, les places sont chères. J'en retire un pour placer celui-là.  Un volumineux aussi, tant qu'à faire. Entre dix ou vingt, je choisis Un corbusier, de François Chaslin, cinq cents vingt pages au compteur. Un bouquin pas terminé, interrompu en avril 2015 sans doute parce que, encore une fois, d'autres livres s'étaient imposés, avaient volé la place de cet essai pourtant, autant qu'il m'en souvienne, souvent passionnant. Le marque-page est resté fiché à la page 288. Qui commence par ces mots : "En juillet 1943, face à ce tas de ruines, Le Corbusier avait tranquillement esquissé un projet pour la reconstruction du quartier (...)." Juillet 1943, le mois suivant le procès d'Henri Girard. Ajoutez à cela  que le livre est dédié après d'autres à "Olivier Rolin le Capitaine et mon éditeur, merci", il n'en faut pas plus pour que je décide d'en reprendre la lecture.
Après plus de deux ans de suspension, j'achève le livre en deux jours.

Le même jour, je regarde Quai des orfèvres d'Henri-Georges Clouzot.

Le 15 novembre, sur Arte encore, je suis avec passion la soirée entièrement consacrée à Clouzot, avec deux documentaires, dont le premier, L'enfer, de Marc Bromberg et Ruxandra Medrea Annonier, explore ce film maudit de 1964, resté inachevé à la suite d'un infarctus de Clouzot, venant jeter l'éponge finale sur un tournage émaillé de tensions entre le cinéaste tyrannique, insomniaque, jamais satisfait,  ses acteurs épuisés et ses techniciens découragés. De ce film qui devait révolutionner le cinéma, où Clouzot multipliait les essais de filmage expérimental, sur le modèle de l'art cinétique du moment, il restait 185 boîtes contenant les rushes qu'à la faveur d’une panne d’ascenseur, Serge Bromberg, coincé avec Inès Clouzot, la veuve du cinéaste, l'avait convaincu de lui confier.

C'est l'enfer de la jalousie que Clouzot veut rendre dans ce film, à travers les fantasmes obsessionnels du mari (Serge Reggiani) torturé par sa passion. Il y a là des images fabuleuses, avec une Romy Schneider qui crève l'écran, érotisée comme jamais par Clouzot. Ainsi la scène du train, où elle est attachée sur les rails.


Je retrouve aussi le motif de l’œil, qui ne cesse d'apparaître depuis Blade Runner, Vertigo et Lost.



Serge Reggiani finira par quitter le tournage, ulcéré par un Clouzot qu'il voit comme un tortionnaire,  malade sans doute aussi (on parle de la fièvre de Malte). L'un des premiers assistants, Christian de Chalonge, en fera autant.


Et c'est encore sur le motif de l’œil que s'ouvre le documentaire suivant, Le scandale Clouzot (Pierre-Henri Gibert, 2017), un autre plan du regard de Romy Schneider, emprunté à L'enfer :


Finissant ensuite le livre de François Chaslin sur le Corbusier, je m'avisai qu'entre les deux grands créateurs, le cinéaste et l'architecte, je pouvais trouver au moins trois points communs. Nous examinerons cela demain.

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